Notre ailleurs – de Rasha Khayat : l’identité entre Allemagne et Arabie Saoudite

Tarek est un Saoudien qui a fait des études de médecine en Allemagne. Grâce à ce long séjour, il a connu l’Allemande Barbara avec qui il s’est marié.  Le père décède en laissant deux enfants : Basil et sa sœur Lalya. « S’il était mort, c’était par défaut de patrie. Le sentiment de ne plus être chez lui nulle part lui avait brisé le cœur. Un nomade, disait-elle (Layla), ne pouvait survivre sans sa tribu. » (p 88).

Après la mort de Tarek, Layla décide de s’installer définitivement  en Arabie Saoudite où elle se mariera avec un homme qu’elle n’a jamais connu. Son frère   Basil reste en Allemagne.

Basil  va en Arabie Saoudite pour assister au mariage de sa sœur. La mère refuse d’y aller.  Ce court séjour  fait sombrer le  frère dans un  gouffre de souvenirs : son enfance, son père, la terre des ancêtres…  Il regarde autrement cette terre qui n’existe que dans ces souvenirs lointains. « La trajectoire de mes ancêtres, la frénésie de leurs déplacements, sous-tend le dilemme de ma propre existence_ partir ou rester. » (p91.).

Qui a raison Basil ou sa sœur Layla ? Basil rentrera-t-il en Allemagne après le mariage, ou restera-t-il comme sa sœur au pays du père?

L’histoire est racontée par le personnage (JE) Basil. Une narration qui englobe à la fois sa destinée et  celle de sa sœur grâce aux « nous » et « notre ». La fiction peint ainsi une famille à double patries, divisée par le dilemme de partir ou rester. Barbara ne bouge pas de son Allemagne. Layla s’installe définitivement en Arabie Saoudite. Basil vit dans l’entre-deux en réconciliant ses deux patries.

L’auteure défend à travers cette fiction le droit d’être différent des autres. Les trois membres de la famille ont raison. « Ici, j’ai un vrai chez-moi, Basil, un endroit dont je peux partir pour aller où je veux et ou je peux revenir sans que personne n’exige de moi que je rejette autre chose » (p119.) Autrement dit, l’auteure présente le thème de l’exil comme choix, non un déchirement ou une amputation.

Le thème de la femme est omniprésent. Elle est cachée par le voile, isolée, réduite à son rôle d’épouse et maman. « Là-bas, Layla ne sera pas autorisée à conduire, me dis-je, mais elle aura un chauffeur. Elle ne pourra pas aller au cinéma, elle qui a toujours adoré ça. Car là où elle vit désormais, il n’y a pas de cinémas » dit Basil, (p  21).

À travers le regard de Basil, l’auteure peint une autre Arabie Saoudite méconnue des autres. Si les gens réduisent l’Arabie Saoudite à  la Mecque, le roman représente   des panoramas de plusieurs villes de l’Arabie Saoudite. Aux actions, s’ajoutent des traditions et  mots du dialecte local…

L’auteure a glissé plusieurs fragments autobiographiques dans cette fiction.  Elle est née en Allemagne, et a grandi en Arabie Saoudite. Rasha Khayat essaie donc de se dire à travers ses personnages. Ecrire pour se retrouver.

Simple et touchant,  Notre ailleurs défend la liberté de choisir sa patrie, le droit d’être différent. C’est un  hommage à ceux qui vivent paisiblement entre deux patries, à la lisière du bonheur et de la nostalgie. Un roman doux et sensible qui puise  sa  richesse et sa volupté dans la fine frontière entre rester et partir ! 

Pour découvrir d’autres livres sur le thème de l’identité, cliquez ici: Identité

***

Point fort du livre: peindre une autre Arabie Saoudite.

Belle citation: « S’il était mort, c’était par défaut de patrie. Le sentiment de ne plus être chez lui nulle part lui avait brisé le cœur. Un nomade, disait-elle (Layla), ne pouvait survivre sans sa tribu. » (p 88).

L’auteur: Rasha Khayat est née en 1978 à Dortmund. Elle a grandi à Djeddah, en Arabie Saoudite, avant de retourner avec sa famille en Allemagne. Elle a étudié à Bonn la littérature allemande, la littérature comparée et la philosophie. Elle tient un blog dans lequel elle traite des sujets en relation avec l’Allemagne et le monde arabe. Notre ailleurs est son premier roman.

Notre ailleurs, Rasha Khayat, éd. Actes Sud, trad (allemand) par Isabelle Liber, France, 2019, 208p.

Cet article a été publié auparavant par le même rédacteur dans un autre média.

Par TAWFIQ BELFADEL

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