Retrouver Fiona _ de Dalie Farah : du fait-divers au roman pour explorer la violence

Après « Le Doigt », Dalie Farah publie son troisième roman chez le même éditeur (Grasset), intitulé « Retrouver Fiona » (2023).

Lire la critique du précédent roman: le Doigt

En 2013 à Clermont-Ferrand,  la mère Cécile Bourgeon déclare que sa fille Fiona avait disparu dans un parc. La police commence l’enquête. L’affaire secoue l’Auvergne et la mère gagne la sympathie et le soutien de toute la région.

Des mois après, Cécile avoue que sa fille a été tuée, le cadavre enterré. Elle accuse son nouveau compagnon aux origines arabes, Berkane. Le couple est un grand consommateur de drogue. Le procès prend davantage de temps ; le mystère s’amplifie ; le couple garde le secret sur les circonstances de l’infanticide et la place du cadavre. Le Tribunal accuse Cécile et Berkane pour fermer ce procès-mystère.

Une écrivaine se sent  largement concernée par le fait divers. D’origines maghrébines, elle observe de près le procès et  explore l’affaire Fiona pour aller jusqu’au bout de la violence, alliant la littérature à la réalité.

Comment explorer la violence en croisant la littérature et le fait divers ? Et si le roman avait un caractère autobiographique ?

Bien qu’il soit centré sur l’affaire Fiona, le roman se sert de ce fait-divers (comme prétexte) pour explorer le thème de la violence ; thème récurent chez Dalie Farah, entamé depuis son premier roman « Impasse Verlaine » (Grasset 2019). Le roman ne donne pas de réponses, mais pose des questions frôlant la philosophie ; c’est quoi la violence, comment porter la violence en soi, comment la donner, est-elle léguée ?

Explorer la violence chez l’Autre mène Dalie Farah à interroger son lien à la violence (de l’Autre à Soi) ; Française d’origines algériennes ayant subi la violence dans sa famille (surtout de sa mère)  et entourage (lycée). Plus qu’un thème distant, explorer-déconstruire la violence est une quête dans l’œuvre de Dalie Farah.  « Je me sens très vite chez moi dans l’affaire Fiona » (p 67)

Donc, l’écrivaine qui suit de près le procès est bel et bien Dalie Farah. Ainsi, elle mêle le documentaire au littéraire pour  interroger le lien à la violence, chez l’Autre et en soi.   « Chaque jour d’audience interroge mon lien à la violence »  (p107)

Bien qu’il ne s’agisse pas de trilogie, les trois romans de Dalie Farah ont un lien commun : la violence. D’ailleurs dans ce nouveau roman, elle évoque ses deux premiers romans. Ainsi, elle mène sa quête au bout de la violence.  Déconstruire la violence pour se construire.

Ce qui constitue un petit point faible du roman, c’est la prédominance du fait-divers sur le littéraire. Le lecteur aurait l’impression de lire un reportage sur l’affaire Fiona avec les milliers de détails. Les apparitions de l’écrivaine-observatrice se font très rares, bien que ce soit le point le plus important : littérariser le fait-divers, susciter l’intérêt en passant du réel à la fiction, offrir plus de métaphores que de constats. Cependant, ce point n’altère en rien la grande qualité du livre.

Sobre et sensible, mêlant documentaire et littérature, imprégné de fragments autobiographiques,  Retrouver Fiona est une autopsie de la violence chez l’Autre et en soi.  Une belle  quête à la fois personnelle et universelle !

***

Point fort du livre: caractère documentaire-roman

Belle citation: « Dans l’écriture documentaire, mon je se confond avec une légion infinie de gamins signés du seau de l’insignifiance » (p 219)

L’auteure: née en Auvergne en 1973, de parents immigrés d’Algérie, Dalie Farah est agrégée de lettres et philo et enseigne en classes préparatoires près de Clermont-Ferrand. Son premier roman  Impasse Verlaine a remporté plusieurs prix.

Retrouver Fiona, Dalie Farah, éd. Grasset, 2023, France, 288p.

Par TAWFIQ BELFADEL

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