Le commerce des Allongés _ d’Alain Mabanckou : un cimetière à histoires au Congo

Après « Rumeurs d’Amériques » (Plon 2020), Alain Mabanckou publie son nouveau livre de fiction, un roman intitulé « Le commerce des Allongés » (Seuil 2022).

Pour découvrir le précédent livre cliquez ici: Rumeurs d’Amérique

Liwa est un jeune Congolais qui est mort un jour après  la fête de l’Indépendance le 15 août.  Ancien employé d’un hôtel, Liwa vivait avec sa grand-mère qui l’a pris en charge et éduqué dès sa naissance vu qu’il  n’avait jamais connu sa mère morte après l’accouchement. Le lieu principal du roman est le cimetière du Frère Lachaise où se trouve la tombe de Liwa.

Un jour, le mort Liwa se réveille de sa tombe. Le revenant visite la maison où se tient encore le deuil de son décès, et se promène dans les quartiers de Pointe Noire…Au cimetière, il rencontre d’autres morts avec qui il a de longues discussions : l’Artiste qui a accédé au sommet de la célébrité grâce aux sorciers, le gardien de la nécropole…

Et si Liwa décidait-il d’aller en ville se venger du responsable de sa mort ? Comment le roman dit-il la vie par la mort, comment peint-il un pays à travers un cimetière ?

L’élément central et primordial de ce roman est un lieu : le cimetière du Frère Lachaise ou se trouve la tombe de Liwa. Il ne s’agit pas d’un simple espace ; c’est un monde parallèle à celui de Pointe Noire et par extension de tout le Congo.

Ainsi, le cimetière offre l’occasion de fustiger la dictature, la corruption, le despotisme militaire, et la soif du pouvoir qui ravagent le Congo à travers le temps.

Aussi, il permet de fustiger le sexisme et la misogynie qui règnent au Congo. Par exemple, la mère de Liwa a été victime d’un viol, abandonnée par son violeur. Le roman rend alors un sincère hommage à la femme congolaise qui mène un combat dès son enfance. C’est la grand-mère, abandonnée aussi par son homme, qui a éduqué et pris en charge Liwa toute sa vie.

Le roman est également un recueil de  fragments ethnographiques qui célèbrent la culture congolaise. La grande source en est l’oralité que l’auteur essaie de transcrire et transmettre avec sa plume. Çà et là, le lecteur découvre des traditions (la mort, le deuil, la promenade du cercueil…), des rites, des légendes et proverbes. Eloge de l’oralité !

Par ailleurs, ce texte est un grand éloge des ancêtres congolais, voire  africains qui, selon la tradition, vivent parmi les vivants. La notion d’ancêtre est très importante dans le continent noir : c’est le berceau de la culture et de l’art, c’est une source d’inspiration merveilleuse…Celui qui ne respecte pas les ancêtres, subit le déclin et la malédiction.

L’humour est omniprésent dans le roman.  Un humour à la Mabanckou imbibé de fantastique. Exemple : l’artiste qui héberge des esprits sur son dos pour accéder au succès. En plus du divertissement (non innocent), l’humour sert notamment à moquer la dictature, la misogynie, et les  divers maux qui mutilent le Congo.

La narration est agréable. C’est une voix absente qui s’adresse au TU (Liwa) et qui mêle d’autres voix narrative en même temps. Ce caractère donne davantage de beauté au roman et captive le lecteur.

Imprégné d’humour et de subversion, tissé par une belle structure, à la lisière du réalisme et du fantastique, Le Commerce des Allongés est un roman qui dit la vie par la mort et le Congo à travers un cimetière. Un hommage doux-amer à sa ville natale Pointe Noire !

***

Point fort du livre: l’idée du cimetière à histoires

Belle citation: « ici ce qui nous tue, c’est la lame de la conscience, l’impression que notre vie tenait à un fil que nous avons nous-mêmes cassé » (p197)

L’auteur: né en 1966 au Congo Brazzaville, Alain Mabanckou est un écrivain et professeur de littérature à l’université américaine UCLA. Ses romans ont un succès mondial et sont traduits dans plusieurs langues. Il a été récompensé par plusieurs prix dont le prix Renaudot.

Le commerce des Allongés, Alain Mbanckou, éd. Seuil, France, 2022, 304p.

Par TAWFIQ BELFADEL

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :