Lettres noires – d’Alain Mabanckou : l’Afrique littéraire des ténèbres à la lumière

Depuis des années, les éditions Fayard publient les leçons inaugurales du Collège de France. En tant que professeur invité, d’Alain Mabanckou y  a prononcé le 17 mars 2016 sa leçon numéro 263. Elle a pour titre intégral : Lettres noires : des ténèbres à la lumière. Cette leçon a été publiée par Fayard en 2016, rééditée par la même maison en 2019 en format poche dans la collection Pluriel.

Le  Collège de France  est un établissement français  dédié à la recherche scientifique et intellectuelle.  Les cours sont donnés gratuitement, sans inscription, sans  dossier ou diplôme ; le seul objectif est de promouvoir la recherche dans les diverses sciences et disciplines. Avec ses multiples chaires et ses nombreux professeurs, le Collège invite de temps en temps des artistes ; comme c’est le cas de Mabanckou.

Ecrivain devenu professeur, Alain Mabanckou  commence par se présenter au public face  à lui : « C’est donc l’écrivain qui vous parle aujourd’hui » (p13).

Sa leçon suit un déroulement chronologique. Dans chaque phase, il évoque le contexte et l’histoire littéraire de cette ère, en illustrant avec des noms et des citations.  

D’abord, il commence par la littérature des voyageurs qui prône la connaissance et l’information. Les auteurs sont des explorateurs occidentaux, mais leurs livres ne peignent pas une image fidèle du continent noir. Ils décrivent plutôt une  « Afrique où les préjugés, nombreux, croisaient le désir d’exotisme et la passion de l’aventure » (p 23.) Parmi les auteurs de cette ère : Mungo Park, Olfert Dapper ou René Caillié auteur de  Voyage à Tombouctou  (1830). 

Ensuite, Mabanckou évoque la période du roman d’aventures.  Les fictions se déroulent dans le continent noir. Pleins de préjugés, les récits d’aventure installent le personnage africain mais il est toujours « en arrière-plan, à la merci des caprices d’un narrateur manichéen » (p 25). Au cœur des ténèbres de Joseph Conard, publié en 1899, est un exemple qui illustre cette ère.

En outre, le professeur invité  explique la littérature coloniale née avec les colonisations. Ebauchés  souvent dans les colonies, les livres  peignent une Afrique sauvage et un Africain sans valeur. Leur objectif étant  de « justifier l’entreprise coloniale » (p32).  Parmi les écrits de cette phase : Voyage au Congo   de Gide (1927).  

Par ailleurs, l’auteur de Verre cassé explique  la naissance d’une littérature faite en français par les Africains eux-mêmes. Cette phase engendre par la suite le mouvement de la négritude. Cette littérature veut « réhabiliter et exalter l’Afrique, tenir tête au discours occidental(…) » (p42).

En plus, Mabanckou poursuit sa chronologie en décrivant la littérature post-indépendante (les années 1960).  Les œuvres   écartent rapidement le thème de la colonisation et dessinent le portrait d’un Africain pessimiste dont l’indépendance est confisquée par la dictature. Deux romans majeurs de cette ère : Le devoir de violence de Yambo Ouologuem, et Les Soleils des Indépendances d’Ahmadou Kourouma, publiés en 1968.

Aussi, l’auteur de Lumières de Pointe-Noire consacre un moment à la littérature noire  écrite ailleurs, centrée sur l’Africain suspendu entre sa terre natale et le pays d’exil.

Avant de terminer, il évoque la naissance d’une littérature féminine vers les années 1970-1980. Il souligne la grande qualité des écrits d’Aminata Sow Fall.

En guise de conclusion, Mabanckou situe son écriture et sa démarche parmi toutes ces nuances riches et diverses des lettres noires d’Afrique. Il se définit comme un écrivain-monde qui revendique tous ces différents mouvements et tendances d’Afrique et d’ailleurs. Il est de ceux «  qui brisent les barrières, refusent la départementalisation de l’imaginaire parce qu’ils sont conscients que (leur) salut réside dans l’écriture(…) » (p63).

Alain Mabanckou donne ensuite des leçons au Collège. Celles-ci sont réunies dans un recueil  Huit leçons sur l’Afrique (Grasset, 2020).

Bref et riche en informations, suivant une belle chronologie,  Lettres noires:  des ténèbres à la lumière  trace la vraie histoire  de la littérature africaine qui se produit sur le continent noir et ailleurs.  Bien qu’il soit un essai, le livre se lit comme une fiction grâce à la beauté des mots.

***

Note : le nouveau livre de Mabanckou paru en août 2020 chez Plon sous le titre  Rumeurs d’Amérique, sera bientôt traité dans ce magazine.

Point fort du livre : méthodologie de la leçon.

Belle citation : « Or ce passé ne passe toujours pas, il habite notre inconscient, il gouverne parfois bien malgré nous nos jugements et vit encore en nous tous, car il écrit nos destins dans le présent » (p16.).  

L’auteur: né en 1966 au Congo Brazzaville, Alain Mabanckou est un écrivain et professeur de littérature à l’université américaine UCLA. Ses romans ont un succès mondial et sont traduits dans plusieurs langues. Il a été récompensé par plusieurs prix dont le prix Renaudot.

 Lettres noires des ténèbres à la lumière, Alain Mabanckou, éd. Fayard-Collège de France, coll. Pluriel, version Poche, 2019, 96p.

Par TAWFIQ BELFADEL

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