Les blattes orgueilleuses _ de Lynda Chouiten : Hirak, éloge du féminin et de l’amazighité

L’écrivaine et universitaire algérienne Lynda Chouiten publie chez Casbah éditions son troisième roman : Les blattes orgueilleuses (2024).

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Des personnages du milieu universitaire racontent en utilisant le JE. Leurs récits se séparent et se croisent : Akli, un enseignant érudit qui lutte pour les causes justes notamment le combat féministe ; il est à la fois attiré et intrigué par Rosa Dey, une étudiante en voile intégral qui oscille entre débile et génie. Ahmed, enseignant qui espère publier son roman en cours d’écriture. Nora Bordji, fille d’un grand homme d’affaires,  enseignante angoissée par son physique, cible des moqueries, elle s’identifie à Marylin Monroe et veut dépasser le complexe de son corps par la réussite…

En 2019, le peuple manifeste et mène son Hirak. Les liens et certitudes se brouillent. Akli le féministe serait-il amoureux d’une Rosa en voile intégrale ? Quels destins pour ces personnages  dans un contexte de révoltes, de contradictions,  et de rumeurs ?

Le roman explore d’abord le monde universitaire : le manque de lecture et absence de l’intérêt pour la littérature, plagiat et absence de la réflexion, coups de favoritisme pour accéder à la faculté (cas de Nora)…L’auteure est aussi enseignante universitaire et s’inspire de son milieu de profession pour écrire cette fiction. Ce qui illustre davantage ce caractère : les références à la littérature anglophone (Joyce, Thomas Hardy, époque victorienne…) , domaine de spécialité de l’écrivaine .

Ensuite, le roman est un éloge du féminin. Un cri contre les injustices subies par les femmes : réduire la femme à son corps, misogynie, patriarcat…Nora est objet de moqueries à cause de son corps ; son père  piétine son humanité et la pousse au mariage avec son ami trop vieux pour elle…Rosa porte le voile intégral suite à l’ordre de son père machiste…Ainsi, le roman a un caractère féministe.

Par ailleurs, le livre fait l’éloge de l’amazighité (langue, drapeau, identité). Le roman rappelle des manifestations antérieures plaidant pour la reconnaissance de l’amazighité. Lors des manifestations du Hirak, Akli et Rosa hissent le drapeau berbère en dépit du risque d’emprisonnement. Akli propose un sujet d’examen portant sur la marginalisation de cette identité. Des mots et citations en langue berbère sont insérés au sein de la fiction. Tizi N’Telli, lieu récurent chez Chouiten, est aussi un exemple de cet éloge. Dire amazighité c’est aussi rendre hommage à Matoub Lounès dont le nom traverse le roman. Sans être un manifeste ou un essai, le roman appelle à la reconnaissance de l’amazighité comme partie intégrante de l’identité algérienne plurielle.

Le structure est fragmentaire ; les noms des personnages constituent les titres des chapitres. Chaque personnage utilise le JE : les récits séparés se croisent et  du Moi individuel on passe au Moi collectif. Ainsi, cette polyphonie attire l’attention du lecteur et l’incite à reconstruire les fragments du roman.

Tissé par une écriture fragmentaire et une narration polyphonique, Les blattes orgueilleuses est une exploration de l’Humain. C’est aussi une invitation au voyage dans l’Algérie contemporaine, douce-amère.

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Point fort du livre: la structure fragmentaire

Belle citation: « …nos livres sont peut-être comme nous, condamnés à s’exiler rpour ‘se faire entendre’ et prospérer… »p 202.

L’auteure: Lynda Chouiten est écrivaine et universitaire. Son roman « Une valse » a été récompensé par le prix Assia Djebar, et traduit en anglais récemment.

Les blattes orgueilleuses, Lynda Chouiten, éd.Casbah, Alger, 2024, 208p.

Par TAWFIQ BELFADEL

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