Le tailleur de Relizane_ d’Olivia Elkaim : quête des racines  et recherche de soi en Algérie

Publié d’abord par Stock éditions en grand format, Le tailleur de Relizane vient de sortir en format poche chez Points Seuil (2022).

Le roman raconte l’histoire de la famille Elkaim qui était installée en Algérie avant même la conquête française. Issu de cette famille juive, Marcel est né et a grandi à Relizane où il était reconnu comme le meilleur tailleur.

Grâce à son métier, Marcel réussit à offrir une vie aisée et tranquille à son épouse et ses enfants. Tout va bien pour les Elkaim jusqu’au jour où approche l’Indépendance de l’Algérie qui apporte avec elle une terrible  série de violences. À cause de leur identité (juifs nés en Algérie), ils se sentent trahis par la France et très menacés. L’exil s’impose avec douleur; Marcel et toute la famille s’installent en France métropolitaine.

Avec le temps, le fils du tailleur, Pierre se marie. La romancière Olivia sera sa fille. Un jour, elle décide de fouiller l’histoire da sa famille, leur Algérie, les origines, et mène à travers l’imagination et l’écriture sa quête des racines…Pierre quant à lui effectue quelques voyages en Algérie Relizane dans les années 2000, pour un pèlerinage à la terre de son enfance Relizane. « Avant que je ne le questionne sur son enfance en Algérie, mon père n’en avait jamais parlé à personne, pas même à ma mère avec qui il est marié depuis quarante-cinq ans »

Ou mènera cette quête des origines son auteure Olivia ? Comment la littérature permet-elle de mener cette quête identitaire ?

Le roman  mêle  documentaire réel et fiction ; on peut dire qu’il s’agit d’un roman documenté ou d’un document romancé, ou d’une autofiction. Ainsi, l’auteure a mêlé les documents réels (témoignages, journaux, photos, etc) de sa famille à de l’imagination. Toute en restant fidèle à la mémoire familiale, la romancière réussit à donner vie au passé , aux disparus, à l’absence…« Il me faut donc investir, par l’imaginaire, ce territoire intime et pourtant inconnu, l’investir alors qu’on m’interdit d’y aller, qu’en me refuse l’accès »

Le récit est une quête des origines et une recherche de soi. Oilivia n’a jamais visité le pays de ses grands-parents ; le visa lui a été refusé. Elle décide de mener donc sa quête à travers documents et imagination pour aller au bout des racines, pour constituer tous les fragments de son identité. En même temps c’est un sincère hommage aux aïeux et  aux grands-parents, et une préservation de la mémoire familiale.  Mêler l’Histoire à la littérature pour dire l’absence, écrire contre l’oubli.

Le récit est divisé en trois parties selon le contexte. L’écriture est sobre, embellie çà et là par de belles métaphores. Certaines scènes et actions sont au présent: cette actualisation du passé donne de la valeur au livre et captive le lecteur; ça prouve aussi que le passé tisse le présent notamment pour une quête identitaire.

Ce qui serait « offensant » pour le lectorat algérien  est le fait de désigner , même après l’Indépendance, les Algériens par le mot « Arabe » comme dans L’étranger de Camus. Puisque le mot « Arabe »,  dévalorisant et réducteur, désigne une langue ne peut pas dire toute la diversité et richesse de l’identité algérienne pétrie à travers des siècles, avant même la colonisation française.

Ce qui expliquerait le choix de ce mot, c’est peut-être cette « colère » qui habite l’écrivaine vis-à-vis de l’Algérie qui serait  la source de malheur pour sa famille. Parlant de son patronyme, Olivia écrit dans ce livre qu’elle a  revu son nom pour le franciser et effacer toute trace de l’Algérie.« Je désirais gommer l’Algérie  de mon  nom, m’assimiler entièrement… »

Bien que l’Histoire divise souvent, le roman offre des faits et scènes qui miroitent la grande amitié entre les deux peuples. Par exemple, Marcel avait un apprenti algérien, Réda, à qui il a laissé tout l’atelier après l’Indépendance. Pierre rencontre Reda devenu vieux dans cette Relizane des années 2000 : le vieux le serre et pleure.

Sensible et humain, à la lisière de la fiction et du documentaire, Le tailleur de Relizane est une belle quête des origines et une recherche de soi. C’est aussi un  bel hommage aux aïeux et à la mémoire.

***

Point fort du livre: le genre document-fiction

Belle citation: « Il me faut donc investir, par l’imaginaire, ce territoire intime et pourtant inconnu, l’investir alors qu’on m’interdit d’y aller, qu’en me refuse l’accès »

L’auteure: née en 1976 en France, Olivia Elkaim est écrivaine et journaliste. Elle est auteure de sept livres salués par la critique.

Le tailleur de Relizane, Olivia Elkaim, éd. Stock (2020), éd. Points Seuil (2022), France.

Par TAWFIQ BELFADEL

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