Sise à la villa des Frères Goncourt, « L’association la Maison des écrivains et de la littérature (Mél) a pour vocation de fédérer les écrivains et de les représenter, de les défendre et, à travers eux, de promouvoir la littérature. » (Site officiel de la MEL)
Récemment, des écrivain-e-s de différentes nationalités ont signé une lettre ouverte au Président français pour soutenir et sauver La Maison des écrivains et de la littérature, LEUR MAISON. Avec l’accord de cette association, Lecture-Monde reproduit intégralement la dite lettre.
La lettre :
Les écrivains ne veulent pas perdre leur maison. La littérature non plus.
Lettre ouverte à Emmanuel Macron, Président de la République
Monsieur le Président,
Nous, écrivains, avons besoin de la Maison des Écrivains et de la Littérature.
Depuis quelques temps, nous constatons que le ministère de la Culture a cessé de la soutenir à la hauteur de ce qu’exigent ses activités. Nous voyons maintenant qu’il n’entend même plus en assurer la pérennité. La baisse drastique de sa subvention depuis plusieurs années en atteste. Or comment justifier cette baisse qui met en danger son existence, au moment même où vous, Monsieur le Président, venez de déclarer que vous entendiez faire de la lecture une cause nationale ?
Nous sommes des centaines, chaque année, à aller à la rencontre des élèves et des étudiants partout en France, pour partager avec eux notre expérience d’écrivain et témoigner du rôle vital qu’a joué la lecture dans notre vie. Grâce à cette Maison, non seulement nous avons la chance de pouvoir partager et transmettre à des élèves de tous niveaux, partout en France, cette passion de la littérature qui est le fondement de notre existence, mais nous percevons aussi pour ces actions des rémunérations qui, s’ajoutant à nos droits d’auteurs, nous aident à vivre et à créer.
Chaque fois que nous sommes sollicités par la Maison des Écrivains et de la Littérature, nous avons avec les enseignants et leurs élèves de riches échanges qui, préparés par un travail en classe, sont une expérience irremplaçable pour eux comme pour nous.
Ces rencontres, naguère environ 1000 par an, et plus de 700 encore aujourd’hui, sont portées par cette structure associative qui a été voulue, il y a trente-cinq ans, par le ministère de la Culture. Elle est devenue notre Maison. Elle accomplit des missions essentielles de service public en éducation artistique et culturelle. Elle a renouvelé ses programmes en mettant l’accent, depuis quelque temps, sur les préoccupations de la jeunesse d’aujourd’hui, en particulier sur ce que la littérature a à dire au sujet de l’environnement et de l’avenir de la planète. Le ministère de la culture ne semble pas s’en soucier.
Nous avons été abasourdis d’apprendre que le Président de l’association et sa directrice ont dû abonder ensemble sa trésorerie au mois d’avril, afin qu’elle ne se trouve pas en cessation de paiement. S’ils ont été remboursés depuis, leur geste prouve bien qu’ils sont prêts à tout pour nous permettre de garder ce foyer auquel nous tenons. Notre société a besoin de sens. La littérature en est un vecteur majeur, et nous sommes ceux qui faisons la littérature d’aujourd’hui. Pour que cette pensée se diffuse et que se partage le goût de lire, le goût de découvrir, de rencontrer l’altérité, il faut un bon outil, à l’intelligence sensible. La Maison, depuis des décennies, est cet outil : performant, compétent, professionnel, en dialogue permanent à la fois avec les auteurs et les enseignants de tous niveaux.
Manifestement, le ministère de la Culture a cessé de croire à l’utilité de cette activité, puisque les mesures récemment prises visent à en réduire l’ampleur. Si la Maison des Écrivains venait à dis- paraître, ce ne pourrait être que pour de très mauvaises raisons.
Or le risque est réel : son financement actuel ne lui permet pas d’envisager de verser les salaires de ses permanents pour les trois derniers mois de l’année.
Notre colère face à sa disparition serait très grande car nous ne pourrions plus être présents partout où l’on nous demande de porter notre parole.
Monsieur le Président, nous voulons être présents sur les chantiers de l’avenir avec les salariés de la Maison qui forment une équipe aussi dévouée et engagée que l’on peut l’être. Interrogez-nous, et vous verrez que nous ne défendons pas cette structure pour des motifs superficiels ou simplement matériels. Nous la défendons car nous avons besoin d’elle, tout comme vous ‒ même si vous ne le savez pas, faute qu’une information éclairée vous ait été fournie ‒, avez besoin d’elle pour relever les défis culturels de l’avenir.
Nous venons vous le dire. Nous espérons que vous nous entendrez et ferez le nécessaire.
Premiers signataires :
Marianne Alphant, Jacques Ancet, Noëlle Audejean, Hugues Bachelot, Jeanne Benameur, Pierre Bergounioux, Arno Bertina, Robert Bober, Hugo Boris, Reine Bud-Printems, Olivier Cadiot, Julien Cendres, Bernard Chambaz, Yves Charnet, David Christoffel, Frédéric Ciriez, Béatrice Commengé, Benoît Conort, Jean-Gabriel Cosculluela, Bérengère Cournut, Luc Dardenne, Michel Deguy, Suzanne Doppelt, Sylviane Dupuis, Éric Dussert, Astrid Eliard, Arlette Farge, Éric Faye, Jean-Pierre Ferrini, Roberto Ferrucci, Christophe Fourvel, Bernard Friot, Anne-Marie Garat, Laurent Gaudé, Hélène Gaudy, Sylvie Germain, Jean-Louis Giovannoni, Yannick Haenel, Christophe Hardy, Gilles Jallet, Alain Jaubert, Ismaël Jude-Fercak, Patrick Kéchichian, Sophie Képès, Abdellatif Laâbi, Linda Lê, Jérôme Lèbre, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Georges Lemoine, Pierre Le Pillouër, Charif Majdalani, Jean-Pierre Martin, Jean-Yves Masson, Jean-Michel Maulpoix, Jean-Claude Mourlevat, Marie Ndiaye, Marie Nimier, Gaëlle Obiégly, Mona Ozouf, Claire Paulhan, Éric Pessan, Jean-Claude Pinson, Christian Prigent, Yves Ravey, Robin Renucci, Emmanuel Ruben, Monica Sa- bolo, Leïla Sebbar, Jean-Pierre Siméon, Michel Simonnot, Patrick Souchon, Vanessa Springora, Beata Umubyeyi Mairesse, Joël Vernet, Enrique Vila-Matas, Antoine Volodine, Jo Witek.
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