TAXIS est le premier livre d’Aïmen Laïhem, publié par Barzakh éditions en 2023, lauréat du prix Mohammed Dib 2025.
À Alger, un jeune homme sans nom prend quotidiennement des taxis pour rentrer chez lui, à La Mairie. Solitaire, taciturne, sans désir de vie, c’est une sorte d’antihéros frôlant l’absurde. Son existence se réduit à des gestes figés : sortir du travail, prendre un taxi, acheter des croissants vers 18 heures. De temps en temps, il échange brièvement avec sa mère qui l’étouffe ou avec une amie étrangère de Tunis.
Evitant de marcher, aimant l’ennui et son auto-effacement, les oiseaux deviennent sa seule échappatoire dans cette vie marquée de monotonie et de désespoir. « J’aime à m’ennuyer…l’ennui me réjouit » p131.
Le taxi est sa seule fenêtre sur Alger et le monde : il observe, écoute les autres, analyse les gens, et se pose des questions.
Et s’il décidait un jour d’en finir avec les taxis et d’embrasser la vie à pied ? La venue de son amie tunisienne à Alger donnerait-elle un sens à son existence ? Comment le trajet en taxi devient-il une quête de soi ?

Le livre est une fiction relatée avec le JE qui représente à la fois le client-personnage-narrateur-observateur. L’angle thématique est intéressant puisque prendre un taxi en Algérie n’est pas un simple commerce de courses : cela permet de débattre, de voir des choses mises à la marge, de découvrir les autres et soi-même. Une sorte de laboratoire ambulant de socio-psychologie. « Elle me dit que ce pays est un immense naufrage dont Alger est la plus belle épave » (p90), lui dit une cliente dans un taxi. Ainsi, les trajets en taxi du personnage-narrateur sont des prétextes ; il découvre les autres mais surtout mène une quête de soi qui engendre cette dualité entre vivre-en-automobile et vivre- à-pied. Il se fuit pour mieux se retrouver. Bref, l’auteur porte un regard philosophique sur un fait qui semble banal : prendre un taxi. « Parfois, c’est ça un taxi : quelque chose qui vous rattrape alors que vous le fuyez. Une sorte de vérité. » (p55).
L’écriture est captivante ; nourrie d’ellipses, de phrases courtes et hachées, de jeux de mots absurdes et charmants, d’emprunts au dialecte algérois, d’humour frôlant l’ironie et la dérision…Ce choix s’adapte parfaitement à l’angle thématique et au profil du personnage : l’écriture reflète mieux l’ennui et le mal-être de ce dernier. « ’’ tac-si, tac-si, tac-si’’ c’est une psychose qui ne dit pas son nom » (p149).
Le récit s’appuie également sur la symbolique comme s’il s’agissait d’une fable ou d’une parabole. Le texte doit se lire au second degré. Par exemple, les oiseaux sont signe d’unique échappatoire dans une Alger qui étouffe ; le corbeau est signe du désespoir et de l’ennui ; refuser de marcher c’est refuser de vivre.
La poésie est omniprésente. Çà et là, des métaphores et figurent sèment de l’espoir. Parfois ce sont des parties de chansons ou de poèmes. Des interstices de la beauté.
Un élément constitue le point faible de ce récit. Le livre manque de profondeur, ce qui contraste avec le bel angle thématique : le narrateur évoque superficiellement des éléments importants comme l’allusion au Hirak, le comportement des gens comme langage socio-psychologique, le voyage à Montréal (le lecteur attend de savoir plus sur le voyage et le parallèle Alger-Montréal mais le narrateur coupe net la narration). Ainsi, au bout d’un moment, le lecteur se fait attraper par l’ennui qui règne dans la fiction : travail-taxi-croissants. Qu’y a-t-il de plus ? Cependant, cette remarque constructive ne diminue en rien la valeur et la qualité du récit.
Bref et sensible, animé par une belle écriture, oscillant entre absurde et sagesse, Taxis est une fenêtre ouverte sur le monde et une quête de soi !
Point fort du livre : belle écriture.
Belle citation : « Au début, la mort était une bonne chose puis la vie s’en mêla et nous tua d’espoir.»
L’auteur: né en 1998 à Alger, Aïmen Laïhem est architecte et étudiant en urbanisme. Taxis est son premier livre (Prix Mohammed Dib 2025).
Taxis, Aïmen Laïhem, éd. Barzakh, Alger, 2023, 168p, 900 DA.
Par TAWFIQ BELFADEL
