Une dizaine d’études, voire plus, ont été consacrées à l’œuvre intarissable d’Assia Djebar qui ne cesse de susciter encore l’attention dans le milieu littéraire (conférences, articles, essais..).
Mais lire un texte sur Assia Djebar écrit par une femme écrivant et Algérienne comme elle, est un fait rare qui offre un angle unique. Il s’agit de Assia Djebar, femme écrivant écrit par Maïssa Bey, publié par les éditions Chèvrefeuille étoilée qui donne la place aux voix féminines.
Le livre est réparti en trois parties suivies d’un épilogue et d’une postface d’Aurélie Olivier qui milite pour la littérature grâce à l’association Littérature etc.
Assia Djebar femme écrivant est le prolongement d’une intervention de Maïssa Bey lors d’une activité sur Assia Djebar en France. La première partie « Assia Djebar et moi » peint cette familiarité ressentie ; Maïssa a connu et lu Assia alors qu’elle était encore adolescente. Dans la même partie, Maïssa Bey expose les raisons justifiant le besoin d’écrire-parler aujourd’hui de Djebar : rendre hommage à une grande plume dont l’œuvre miroite l’intimité de la société algérienne. « Je nous-me reconnaissais en elle. En elles. » (p24).
Suit un fragment consacré aux jalons biographiques qui permettent de découvrir l’œuvre de Djebar et sa vie de femme libre. Une liberté arrachée dans un contexte patriarcal où la femme écrivant a deux malédictions : son corps, et l’écriture (moyen de désacraliser le machisme et la soumission).
La partie suivante « Ecrivaine de passage » aborde l’œuvre d’Assia Djebar en explorant notamment son lien avec l’architecture ; celle-ci étant le miroir de l’assignation des femmes (réclusion, expulsion, interdits…). Ainsi, Maïssa Bey analyse la frontière (brisée par Djebar) entre Dedans et Dehors : le premier représente la soumission des femmes, l’autre la liberté masculine. Djebar a donc « sorti » la voix des femmes du dedans vers le dehors.
Maissa Bey finit son livre avec un bref texte frôlant le rêve où elle imagine Assia Djebar marcher à Alger, à l’ère du Hirak –mouvement populaire de révolte qu’a connu l’Algérie en 2019.
Bien qu’il soit écrit par une écrivaine, le livre s’appuie sur la documentation à la manière d’un article scientifique. Ces voix qui m’assiègent d’Assia Djebar, référence incontournable, parcourt le texte du début à la fin.
Si le livre est centré sur la vie-œuvre de Djebar, il est également une réflexion sur l’écriture en général, et l’écriture féminine en particulier. « Je voudrais finir en parlant de nous » (67). Cela permet notamment d’explorer en profondeur l’œuvre de Maïssa Bey qui avoue cette familiarité avec l’aînée Djebar : par exemple la conception architecturale est omniprésente dans les écrits de Maïssa.
Bref et touchant, Assia Djebar femme écrivant rend hommage à une grande plume dont l’œuvre dépeint majestueusement la société algérienne. Maïssa Bey transmet le pouvoir de l’écriture pour libérer le féminin, en allant du Je au Nous.
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Point fort du livre: réflexions
Belle citation: « L’écriture, elle, nécessite de puiser en soi, de s’aventurer dans des lieux jusqu’alors inconnus et jalousement gardés » (58)
L’auteure: Maissa Bey, de son vrai nom Samia Benameur est une femme de lettres algérienne. Auteure de plusieurs titres entre romans, nouvelles, théâtre…Elle vit en Algérie.
Assia Djebar femme écrivant, Maissa Bey, éd. Chèvre-feuille étoilée, France, 2023.
